La biographie d’Elon Musk [1] est digne d’une saga. Avec ses treize enfants – reconnus à ce jour –, nés de trois unions, il incarne la famille moderne à plusieurs titres. C’est par le prisme de la violence contemporaine, celle qui répond « à une absence, un défaut de recours actuel au signifiant [2] », que nous aborderons un aspect du malaise dans la famille.
La violence commence pour lui de façon traditionnelle, par celle d’un grand-père maternel aux relents antisémites [3], qui aimait vivre dangereusement [4] au point de se tuer en vol. Elle est aussi celle de l’Afrique du Sud, où Elon Musk naît au temps de l’apartheid. Celle de la brutalité, encouragée dans les camps de survie qu’il fréquente. Celle de l’école où, enfant peu ordinaire, il est tabassé au point d’en être méconnaissable. Celle encore de son père, autant physique que verbale : quand Elon rentre de l’hôpital après la raclée de l’école, il reste « planté une heure devant son père qui lui hurle dessus en le traitant d’idiot [5] ». L’ombre du père est nommée par les autres. Musk, lui, répond en homme moderne à ce qu’il rencontre, par la volonté de réussite individuelle – sans l’appui du lien symptomatique et de ce qui permettrait de dire la folie paternelle. S’il adopte le « mode démon [6] » de son père, n’est-ce pas dans le signifiant qui l’épingle que se loge la plus grande violence ? Ainsi, est-ce de ce signifiant « débile » qu’il cherche à se défendre, en prônant la reproduction des gens intelligents, et en cultivant dans ses entreprises la folie des grandeurs ?
Mais sa créativité échoue à endiguer sa part obscure. Musk vit dans une crise existentielle permanente [7] depuis l’adolescence. Il trouve une issue dans la science-fiction, notamment avec un livre où un humain est sauvé par un vaisseau spatial juste avant la destruction de la Terre [8]. Les habitants de la galaxie y résolvent avec un super-ordinateur la « Réponse ultime à la question de la Vie, de l’Univers et du Reste [9] ». On retrouve ces thématiques dans le parcours de Musk qui se consacre à envoyer les humains sur Mars. Le X devient sa signature. Il l’inscrit dans le nom de ses entreprises, voire de ses enfants – un de ses fils s’appelle X Æ A-12. Ce n’est pas le « x » du désir et du manque mais la véritable inconnue, qui traduit son rapport radical à l’énigme de la vie.
La transition de genre de Xavier, né après le décès de son aîné, marque un tournant. Son fils devient Jenna en pleine pandémie de la Covid et demande la suppression de son nom de famille – ce qui ne se traite pas dans le signifiant se retrouve au tribunal. Musk déclare que « son fils est mort, tué par le virus woke [10] » qu’il s’attelle à détruire. On en voit aujourd’hui les effets dans le monde. Au niveau familial, Musk s’inscrit dans la nostalgie du père qui vire au pire et bloque pour son enfant l’accès à ce qui aurait pu faire solution.
Quand les discours se rigidifient, le réel fait retour par une nouvelle forme de violence dans les familles. La psychanalyse, en tenant compte de la folie et des effets du signifiant, est une réponse qui ouvre une tout autre voie.
[1] Isaacson W., Elon Musk, Le Livre de Poche, Paris, 2025.
[2] Biagi-Chai F., « Famille et folie », Les podcasts de Pipol 12, 19 février 2025, disponible en ligne.
[3] Cf. Isaacson W., Elon Musk, op. cit., p. 21-22.
[4] Cf. ibid., p. 24.
[5] Ibid, p. 12.
[6] Ibid., p. 14.
[7] Cf. ibid., p. 18.
[8] Cf. ibid., p. 51.
[9] Ibid.
[10] Cf. La publication d’Elon Musk sur X, le 22 juillet 2024.