• LE CONGRES
    • L’ argument – Katty Langelez-Stevens
    • Plénière
    • Les simultanées
    • Librairie
    • Contribution au Blog
  • LE THEME
    • Textes d’orientation
    • Bibliographie
    • Galerie
    • Chaîne YouTube
  • JE M’INSCRIS
  • S’ORGANISER
  • ARCHIVES
    • Pipol 8
    • Pipol 9
    • Pipol 10
    • Pipol 11
  • CONTACT
    • Pipol Team
    • Nous joindre
    • Vers l’EFP
    • Diffusion
  • it Italiano
  • fr Français
  • es Español
  • en English
Pipol Congrès
  • Edito
  • Famille/Institution
  • Transmissions/Tiraillements
  • Famille résidu
  • Famille débrouille
  • Folies familiales
  • Rejet de la famille
  • Entretien
Pipol 12
Home Entretien

Interview d’Elodie Duchêne

par Chiara Aquino-Benitez avec Marie-Claude Lacroix et Véronique Pipers

by Chiara Aquino-Benitez avec Marie-Claude Lacroix et Véronique Pipers
8 juillet 2025
in Entretien
Interview d’Elodie Duchêne
0
SHARES
713
VIEWS
Share on FacebookShare on Twitter
Elodie Duchêne
Psychologue clinicienne à Groupados, pôle de SOS Enfants ULB, au CHU Saint-Pierre, qui propose la prise en charge d’adolescents ayant recours à une sexualité abusive.

Dans quel cadre se situe votre rencontre avec la famille ?

Je travaille chez SOS Enfants ULB, au CHU Saint-Pierre. L’équipe prend en charge les situations de maltraitance d’enfants. Notre clinique est systémique, on essaye de comprendre les dynamiques relationnelles existantes au sein de la famille. Le pôle Groupados s’occupe des adolescents qui ont recours à une sexualité abusive en intrafamilial ou extrafamilial. Notre travail est d’amener le jeune à mettre du sens sur son passage à l’acte, comme on peut l’entendre au sens analytique de l’ultime recours. Là où la langue défaille. De pouvoir réintégrer dans son histoire ce passage à l’acte à un moment donné, comme un recours qui vient dire quelque chose de ses fragilités et qu’il peut dépasser. Sans cela, comment ces jeunes peuvent-ils se réinscrire après dans une évolution positive ?

Pour la plupart des jeunes que l’on accompagne, le Tribunal de la Jeunesse assure le cadre et fait donc rappel à la Loi. Les termes judiciaires existent ainsi dans un espace différent du nôtre, qui est celui du soin. C’est intéressant de traiter la violence en retirant la violence des mots.

Violences intrafamiliales ou pas ?

Depuis plusieurs années, nos interventions concernent plus d’abus en extrafamilial qu’en intrafamilial. Toutefois, cela reste dans le périmètre de vie des adolescents : leurs fréquentations scolaires ou leur tissu social. Et qu’il s’agisse d’intra ou d’extra, nous intégrons la famille à notre prise en charge, car elle s’ancre en amont et au-delà de ce qui s’est passé. Ce type de passage à l’acte génère beaucoup de honte, de repli sur soi, il faut donc prendre soin de cet aspect-là chez le jeune et au sein de la famille. Et dans le travail thérapeutique que nous déployons, nous avons aussi besoin de la famille pour réécrire l’histoire du jeune, essayer de la comprendre et mettre du sens. C’est une vraie ressource dans le travail, même si les parents ne sont pas toujours nécessairement une ressource pour ces jeunes.

Cela va nous engager à comprendre là où doit se situer notre travail. Est-ce que c’est un ancrage familial sur lequel on doit compter, qu’on doit réarmer de compétences pour soutenir le jeune ? Ou alors est-ce que le travail avec le jeune sera plutôt de lui permettre de prendre conscience des limites de son système familial, et s’autoriser à s’autonomiser et à se déployer en dehors ? Le malaise dans la famille c’est aussi tout le paradoxe dans la protection de l’enfance. On parle beaucoup du lien à tout prix. On intervient dans une famille parce qu’il y a des défaillances, de la maltraitance, de la violence. Jusqu’où maintenir le lien ? En tous cas, lorsqu’on travaille avec les adolescents, c’est plus facile de penser l’autonomisation psychique et physique que dans le domaine de la petite enfance.

Constatez-vous un changement dans la manière dont ce thème du malaise s’articule dans les familles ? Comment il se déploie, se manifeste ?

On a tendance à imaginer que notre public est extrêmement précarisé et polytraumatisé. En réalité la violence existe dans tous les milieux. Nous rencontrons des familles chaotiques, enchevêtrées, désengagées… J’ai toujours connu, dans cette clinique, des pères absents, beaucoup de relations mère-fils fusionnelles, où tout le travail est de dégager ces jeunes de cette relation et leur permettre de s’autonomiser. Nous avons aussi toujours connu les abus intrafamiliaux et les familles teintées de climats incestuels. Ce sont des familles que l’on retrouve parfois de génération en génération chez SOS.

La parentalité a aussi évolué dans le sens où elle n’est plus forcément inscrite dans la conjugalité ce qui créé de nouveaux modèles familiaux. Et la tendance à l’individualisme se ressent fort aussi dans la façon dont les adultes vivent leur parentalité. Nous ne sommes pas totalement dévolus à la parentalité, on doit aussi se construire en dehors, et tant mieux ! Mais j’ai le sentiment que les adultes doutent beaucoup d’eux-mêmes, de leur parentalité, sont-ils en train de bien faire, avec une forme d’exigence forte…

Dans les familles qui fonctionnent plutôt bien, les parents se demandent où mettre le curseur par rapport à l’écoute parce qu’on nous sensibilise à une éducation positive, bienveillante. Mais parfois cela brouille les cartes et tenir à la fois des postures d’autorité, d’écoute, parvenir à juguler les angoisses des enfants, tout cela devient très flottant et crée du malaise. Les parents sont démunis : « Quelle est la bonne place à tenir auprès de nos enfants : où mettre le curseur ? »

Les jeunes arrivent à Groupados avec des problématiques liées à la sexualité. Pourtant ce sont des sujets beaucoup plus abordés de nos jours avec les enfants et les ados. On leur parle de consentement, d’égalité des sexes, de respect de l’autre. Un parent peut se dire : « cela ne se discutait pas avant, quand j’étais adolescent, je ne comprends pas que mon fils en arrive là aujourd’hui ». C’est intéressant. Cela voudrait dire que ce qui est proposé aujourd’hui comme un moyen possible de se défendre des abus, notamment au niveau sexuel et du consentement, n’a pas nécessairement l’impact escompté, même si ce dialogue est bien entendu incontournable.

Aujourd’hui tout cela se discute en famille, mais ce sont des notions auxquelles les jeunes ont accès au sens intellectuel. Le consentement ça s’éprouve. Pour le comprendre, il faut que les jeunes puissent l’éprouver, le vivre de façon subjective pour en mesurer le sens.

Est-ce que ce que vous nommez « individualisme » est aussi une liberté de choix : comment faire famille ? Faire couple ? Avoir ou pas des enfants ? Et qui irait de pair avec un manque de repères ?

Je ne ferais pas ce lien, mais j’interrogerais plutôt la transmission. Ce que j’adore avec les jeunes, c’est ce qu’on peut apprendre d’un génogramme et d’une ligne du temps. Ce sont deux outils qu’on utilise en début d’intervention, et c’est édifiant. Cela sert à comprendre comment le jeune se situe. C’est en cela que c’est important d’avoir accès aux parents et à la famille, alors on a accès au récit familial de chacun. Dans la façon dont le jeune peut se le raconter, lui, on voit déjà des disparités. Que ce soit des familles défaillantes ou structurantes, on a tous à s’appuyer sur une histoire. Parfois ces jeunes n’ont absolument rien de tout ça. C’est un travail d’enquête subjective.

Il y a de nouvelles déclinaisons de famille. Comment faire dans ces cas-là ?

Nous avons décidé de travailler de la même manière, d’inviter les gens pour lesquels cela nous semblait avoir du sens. On commence avec le jeune et ses parents. Mais il y a la possibilité d’inviter une belle-mère, un beau-père, ou la fratrie parce que cela a du sens. Je suis d’orientation analytique, ma collègue est d’orientation systémique. Nous nous articulons aussi en fonction de nos grilles de lecture et de ce qui nous semble avoir du sens.

Vous recevez à deux ?

Oui. Nous sommes cinq intervenants en tout à Groupados : un binôme rencontre le jeune et un autre binôme rencontre les parents. C’est une façon de dire au jeune : « Ta famille fait partie de l’équation et c’est important qu’elle soit impliquée dans la prise en charge. Mais on préserve ton espace de parole. » Il n’y a pas nécessairement de moments communs, et s’il y en a alors il y a un intervenant du binôme jeune et un intervenant du binôme famille. Chacun a son référent.

Comment accueillez-vous la demande des parents, qui peut être très différente du symptôme que le jeune amène et comment la prenez-vous en compte sans nécessairement la traiter ?

En 11 ans de travail, je n’ai connu que deux jeunes qui étaient eux-mêmes à l’initiative de la demande. En général, la demande est portée soit par un mandant, SAJ ou Tribunal, soit par des institutions, soit par la famille elle-même. Tout l’enjeu est de faire émerger une demande chez le jeune. Dans les cas d’abus intrafamiliaux, la famille arrive chez nous parce que leur adolescent a posé un acte de sexualité abusive au sein de la famille. C’est un gros travail avec les parents que de pouvoir se dégager de la responsabilité de ce que leur adolescent a commis et pouvoir les mettre au travail sur tout ce qui dysfonctionne par ailleurs. L’adolescent est pointé du doigt comme fautif, mais son passage à l’acte vient s’inscrire dans une dimension systémique qu’il faut pouvoir travailler avec eux.

Si la famille ne veut pas se mettre au travail même sous contrainte, cela arrive-t-il que des ados ne puissent pas se saisir de ce que vous proposez ?

J’ai tendance à me dire qu’ils prendront quand même quelque chose, peut-être un regard différent sur leur vie. Il faut toujours espérer que quelque chose émerge dans leur construction personnelle. Mais cela reste compliqué pour ces jeunes qui sont déjà cabossés par leur parcours de vie, parce qu’une forme de loyauté demeure très prégnante malgré les défaillances familiales.

Parfois on a aussi le sentiment qu’on échoue parce que les jeunes restent en non-reconnaissance des faits, mais on accepte de travailler avec eux parce qu’on fait le pari qu’à un moment donné quelque chose va se déployer. Quelle serait la perte pour eux s’ils étaient amenés à reconnaître ce qu’ils ont fait ? Quel va en être l’impact au niveau psychique et au niveau familial ? Il y a des sujets qui n’ont vraiment pas les capacités ou les moyens de pouvoir reconnaître les faits qu’ils ont commis, le risque d’effondrement est trop grand.

Cela vous arrive-t-il d’être confrontés à des jeunes qui relèveraient de la psychiatrie ? Votre pratique change ?

On nous sollicite sur la question de la déviance : est-ce que les jeunes que vous rencontrez ont une déviance sexuelle ? En 11 ans, il y en a peut-être trois ou quatre pour lesquels je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui dépassait ma pratique, quelque chose dans la structure psychique qui est en train de se cristalliser. Dans ces moments-là, il est important de pouvoir reconnaître ses limites, s’appuyer sur le Juge pour mettre les balises nécessaires pour suivre dans le temps ce qu’il y a d’inquiétant. Cela dépend aussi de l’âge. Nous ne voulons pas ancrer les jeunes trop vite dans un diagnostic, mais l’on perçoit parfois des troubles qui s’installent, et il faut passer la main à une unité pédopsy.

Il y a des jeunes plus âgés où l’on se dit qu’ils sont en train de « tomber dedans » parce qu’ils présentent un rapport à l’autre un peu étrange, apparaissent hors réalité, se marginalisent. Il faut alors faire relais à des équipes de transition pour jeunes adultes.

Ces dernières années nous nous sommes appuyés sur les travaux relatifs à la désistance. C’est un concept vraiment précieux qui prône une articulation entre soins thérapeutiques individuels, accompagnement familial et social, ancrage dans le quotidien, pour sortir de la délinquance, un concept qui met en exergue la nécessité d’avoir un regard multiple sur ces jeunes.

Dans votre expérience ce n’est pas spécialement pire, c’est différent mais ce n’est pas pire. Il y aurait plus de réorientations parce qu’il y a de plus en plus de situations qui ne relèvent pas de votre champ.

S’il y a plus de réorientations c’est parce que nous nous sommes aiguisés au niveau de notre clinique et que nous pouvons dire si nous pouvons prendre en charge ou si cela dépasse notre cadre. Il faut pouvoir s’autoriser à le penser et à réorienter. Pire ou mieux ? Les problématiques auxquelles nous sommes confrontés existaient déjà avant. Là où cela nous laisse un plus fort sentiment de malaise, c’est que la question des précarités (financières, sociales, morales…) est exacerbée aujourd’hui. Sans compter que le réseau de l’aide à la jeunesse est lui aussi largement fragilisé pour pouvoir y répondre. Tout ce à quoi on avait affaire il y a 10 ans est un peu exponentiel. Fragilisation des familles, des parents en tant que tels, dans leurs propres parcours, et donc, aujourd’hui, dans leur parentalité.

Par le passé, nous avons parfois pris en charge des jeunes inscrits dans la problématique des bandes urbaines. Des familles avec des parcours migratoires, des parents aux vécus traumatiques, qui arrivent en Belgique et qui ne sont pas du tout disponibles psychiquement pour leurs ados qui sont en train de se déployer au niveau identitaire. Ces jeunes vont chercher des assises identitaires dans des groupes d’appartenance. Ils sont pris dans une double culture, la culture de la maison qui est fort repliée sur elle-même et la culture de l’extérieur. C’est la construction des territoires intimes à l’adolescence. Là souvent, il y a vraiment un travail intéressant à faire avec les parents, mais sont-ils en capacité de le faire alors qu’ils sont très démunis en raison de ce qu’ils ont vécu et en difficulté pour se réengager auprès de leurs enfants ? On n’a pas toujours la possibilité de déployer tout ce qu’on voudrait.

Est-ce que ça nous dit quelque chose du malaise actuel dans la famille ?

Ça parle plutôt du malaise dans la société malheureusement, comment accompagner au mieux ces situations ?…

Quid de l’autorité aussi ? On attend des parents qu’ils en aient, mais on craint qu’il y en ait trop. On veut que les parents soient proches de leurs enfants, mais on craint une trop grande proximité. La question du curseur est importante et on la retrouve dans le champ de la protection de l’enfance. La question de l’écoute aussi est devenue progressivement une préoccupation. Jusqu’où on doit aller ? Parfois on est face à des parents pour qui il ne faudrait pas dire aux enfants que la mort existe… Qu’est-ce que ça vient dire d’eux, de leur fragilité, comment ils peuvent être structurants ? Cohérents ?

Vous identifiez une cause possible ? C’est le symptôme de quoi dans la société ?

Il y a plein de choses sur lesquelles on a beaucoup évolué et tant mieux. Le dialogue, pouvoir accueillir l’enfant comme un sujet à part entière : tout cela est une évolution nécessaire. Mais j’ai l’impression qu’on est allé trop loin dans le mouvement et que maintenant on est occupé à essayer de réinstitutionnaliser un cadre, une structure, parce qu’on se rend compte qu’on fait des individus complètement…

Égarés ?

Égarés, c’est le terme !

Être parent d’ados semble très compliqué aujourd’hui. Parfois je me dis qu’on est en train de remettre de la confusion dans les générations et qu’est-ce que cela va créer pour la génération d’ados actuelle quand ils vont devenir adultes ? Il faut accepter qu’il y ait des différences de générations, même si le dialogue est plus ouvert aujourd’hui et tant mieux. Actuellement, ce sont les parents qui ont peur de ne plus être aimés par leurs enfants. Cela s’entend dans les consultations. Il y a un renversement, ce n’est pas l’enfant qui exprime : « Est-ce que mes parents m’aiment ? », c’est le parent qui se dit : « Si je fais ça, vais-je être encore aimé ? »

Faudrait-il accepter d’être propulsé à une autre place ?

A un moment donné, il faut accepter d’être celui qui est le ringard, qu’on rejette, alors qu’on a justement essayé durant l’enfance d’être celui avec lequel on est en lien… Il faut reprendre les théories de l’attachement et comment elles sont revisitées à l’adolescence. C’est une grille de lecture intéressante pour voir comment cela se joue entre parents et enfants et pouvoir accompagner l’adolescent dans la structuration de son identité, dans son sentiment d’appartenance.

Nous aimons aussi aller chercher des choses dans les livres, dans les films, en voyez-vous qui représentent votre pratique, ou les familles que vous rencontrez… Un film qui « sonnerait juste » ?

Je suis en train de regarder la série « Adolescence ». J’ai regardé hier soir l’épisode avec l’experte. Je n’étais pas bien. Cela peut paraître assez proche de ce dans quoi on est pris parfois à Groupados. Est-ce que j’aurais travaillé comme ça, est-ce que j’aurais ouvert ces questions ? Quand on travaille sous mandat, sous forme d’examen médico-psycho-social, sur une durée de 6 mois, on rencontre le jeune toutes les semaines et la famille autant que nécessaire. Notre philosophie de travail est de laisser le temps aux jeunes de se déployer, de nous faire confiance pour qu’il y ait des choses qui émergent. On a fait évoluer les domaines que l’on va parcourir avec les jeunes pour mieux les connaître : questionner leur usage des réseaux sociaux, du virtuel, de la pornographie. Là, il y a une nouvelle tendance qui s’ajoute : il va falloir s’intéresser aux influenceurs que ces jeunes suivent et à quel discours ils sont biberonnés. Ce qui fait qu’un jeune peut être pris par exemple par un discours masculiniste.

On peut se questionner sur la fragilisation des adultes et des ados par rapport au virtuel, dans la façon de s’y présenter, de s’y mettre en scène, mais aussi par rapport aux contenus auxquels chacun est exposé. C’est une grosse part de l’identité des jeunes, le prolongement d’eux-mêmes, mais où les frontières sont très compliquées à mettre en place. Ce qui se joue de l’ordre de l’intime se publie à l’extérieur. Parfois des parents nous disent : « Il ne sort pas, je suis rassuré, il est à la maison », mais il y aurait lieu de s’inquiéter justement ! Comme si le monde extérieur ne leur faisait plus envie, ou était dangereux, alors que grandir c’est aller la rencontre du monde.

Par rapport à votre travail : comment être au courant de tout ça ?

 C’est ma question. Je ne suis pas sur les réseaux. Avec les ados, je dis : « Tu vas m’expliquer ! » Je les rends compétents. On prend l’ordi : « Tu me montres comment tu fais ta vidéo et ton compte Youtube ? ». Notre clinique avec le virtuel a beaucoup évolué. Angélique Gozlan, psychologue clinicienne à Paris, a réalisé une étude sur les adolescents face aux images trash, sexuelles, violentes, haineuses, et comment les jeunes y ont accès. Comment ça arrive dans un fil d’actualité ? Quelles sont les stratégies des adolescents par rapport à ça ? Certains vont être dans l’indifférence totale, d’autres vont absorber ces images, qui ont un potentiel effractant terrible. Quelles conséquences cela a sur leur construction ? Ceux qui sont peu entourés n’ont pas l’occasion de discuter avec leurs parents de ces usages-là. L’image est effractante et il n’y a rien qui est élaboré au-delà.

L’année dernière on a demandé aux jeunes du groupe thérapeutique : « est ce que ça t’est déjà arrivé d’avoir dans ton fil d’actualité des images trash ? » Vous seriez étonnés du nombre de jeunes qui vous disent qu’ils ont déjà vu des vidéos de décapitation. Le fil d’actualité dépend des algorithmes, de vos propres recherches, mais aussi des recherches des gens avec qui vous êtes en lien. Sans compter que le seuil de de ce qui est considéré comme trash par les jeunes a vraiment changé. Il y a une banalisation des contenus, un nouveau seuil de tolérance. C’est pareil pour les images sexuelles. On reçoit des jeunes qui ont recours à une sexualité abusive, mais quelles sont leurs normes d’aujourd’hui ? Comment construisent-ils leur sexualité ? Le porno est à portée de main, dans leur smartphone, donc il faut les accompagner à la lumière de cette évolution.

Pour revenir à la série « Adolescence » : le dernier épisode consacré à la famille est très puissant, il ramène aux possibles évolutions perçues dans la clinique des malaises dans la famille… autour de la question de l’humiliation. L’humiliation comme terreau de la violence. Humiliations accidentelles, sous le coup de la colère, ou érigées en modèle éducatif, ou proférées intentionnellement en résonance de ce que les parents ont eu eux-mêmes à endurer. Quels sont les mécanismes qui engagent une répétition des humiliations ?

Notre société privilégie l’individu au détriment du collectif, ce qui exacerbe les injustices et les humiliations. D’après Olivier Abel, nos sociétés sont sensibles aux violences, mais encore peu aux humiliations, car elles sont subjectives. Dans quelle mesure les contenus publiés sur les réseaux ne sont pas éprouvés parfois comme une forme d’injustice, d’humiliation, par celui qui les visionne ? Une forme d’hypersensibilité aux contenus disponibles à profusion sur les réseaux, susceptible de devenir une forme de ressentiment qui peut devenir dangereux pour chacun en tant que sujet, et pour le système familial, en créant du ressentiment… J’ai le sentiment que la société telle qu’elle fonctionne aujourd’hui a exacerbé les disparités, les précarités, et par voie de conséquence les potentielles humiliations ressenties. Les institutions de la protection de l’enfance peuvent aussi, par leur intervention, engendrer sans le vouloir, un vécu d’humiliation au sein des familles. Nous sommes donc appelés à faire preuve d’humilité dans notre approche, et à nous engager dans une éthique de travail forte.

 Copyright : Véronique Pipers

 

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Newsletter

  • Je souhaite recevoir la newsletter PIPOLNews dans la (les) langue(s) de mon choix. Veuillez préciser vos préférences pour chaque langue.
  • I would like to receive the newsletter PIPOLNews in the language(s) of my choice. Please specify your preferences for each language.
  • Me gustaría recibir la newsletter PIPOLNews en el idioma de mi elección. Por favor, especifique sus preferencias para cada idioma.
  • Desidero ricevere la newsletter PIPOLNews nella (nelle) lingua (lingue) di mia scelta. Si prega di specificare le proprie preferenze per ciascuna lingua.

[sibwp_form id=1]

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.

A propos

© Copyright 2022 - EuroFédération de Psychanalyse - Design by PUSH IT UP - Mentions légales

  • Le congrès
    • L’ argument – Katty Langelez-Stevens
    • Plénière
    • Les simultanées
    • Librairie
    • Contribution au Blog
  • Le thème
    • Textes d’orientation
    • Bibliographie
    • Galerie
    • Chaîne YouTube
  • Je m’inscris
  • S’organiser
  • Archives
    • Pipol 8
    • Pipol 9
    • Pipol 10
    • Pipol 11
  • Contact
    • Pipol Team
    • Nous joindre
    • Vers l’EFP
    • Diffusion
  • MALAISE DANS LA FAMILLE
    • Famille/Institution
    • Transmissions/Tiraillements
    • Famille résidu
    • Famille débrouille
    • Folies familiales
    • Rejet de la famille
    • Entretien
  • Français

© Copyright 2024 - EuroFédération de Psychanalyse - Design by PUSH IT UP - Mentions légales

Welcome Back!

Login to your account below

Forgotten Password?

Create New Account!

Fill the forms bellow to register

All fields are required. Log In

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.

Log In

Add New Playlist