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Pipol 12
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Interview de Serge Hefez

par Philippe Benichou

by Philippe Benichou
26 juin 2025
in Entretien
Interview de Serge Hefez
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Pipol12 – Philippe Benichou – Pipol 12 a pour titre et pour thème Malaise dans la famille avec ce renvoi au signifiant freudien, Malaise dans la civilisation. Que pourriez-vous dire du malaise dans son versant violence, présence de la pulsion de mort dans les familles ? comment percevez-vous cela aujourd’hui ?

Serge Hefez – Premier point important, la famille a changé ! Ce n’est plus la famille du 19e siècle ou de la première partie du 20e, alors que le mariage nouait la famille. Le mariage était une institution : ces liens institués par la société n’avaient rien à voir avec le fait de s’aimer, de se choisir ou de ressentir des affinités… Ces liens constituant le socle de la famille, permettaient ensuite d’organiser les liens de filiation : la mère accouchant et le père étant uniquement de par le mariage, père de ses enfants. Les liens étaient prescrits, les affects avaient à se tisser dans la cellule familiale. Ce n’était pas l’amour – conjugal, parental, joliment nommé « L’amour en plus » par Elizabeth Badinter – qui garantissait la pérennité de la cellule familiale.

Le grand changement – Irène Thery le dit très bien –, c’est le démariage. La famille n’est plus affaire de mariage. Les enfants nés dans le cadre du mariage ont les mêmes statuts que ceux nés hors mariage. La famille est devenue une histoire d’affinités électives, et de choix du conjoint, et aussi, avec les transformations progressives de la famille, de chacun des protagonistes, de faire famille. Avec toutes les recompositions familiales, les enfants peuvent se référer à 2, voire 3 ou 4 foyers. Depuis plus de 40 ans, je reçois des familles et j’ai vu cette évolution liée à la surcharge affective qui pèse sur la famille ; les liens sont devenus de plus en plus complexes, en raison du libre choix. Mais aussi, bien sûr, beaucoup plus investis.

On dit comme un mantra qu’il faut séparer couple conjugal et couple parental. Mais la réalité va un peu à l’encontre de ça. Le couple parental est traversé par des liens affectifs ambivalents, liens d’amour infiltré de haine, de rejet, de colère, de ressentiment. Cela pèse sur la relation aux enfants en termes de conflits de loyauté, entre père et mère dans un premier temps, puis père et beau-père, mère et belle-mère, les différents grands-parents, les différents demi-frères et sœurs, faux frères, fausses sœurs, tout ce qui constitue la constellation familiale des jeunes aujourd’hui. Il y a 30 ans ou 40 ans, un travail avec une famille, visait les processus de séparation psychique des enfants vis-à-vis des parents : que les enfants puissent s’affranchir, se désaffilier des liens parentaux pour s’affilier à d’autres liens et faire leur vie. Entre les générations, il y avait trop de difficultés à se séparer psychiquement. Et aujourd’hui, c’est presque l’inverse, un travail familial vise à réinstituer les liens de façon à ce que la famille en tant qu’institution reste protectrice, afin que ce ne soit pas quelque chose de fragile qui peut se faire et se défaire au gré du bon vouloir de chacun.

Pipol12 – P. B. – Comment cette présence de la haine peut-elle se manifester aujourd’hui dans les familles ? Y a-t-il quelque chose de plus contemporain que les Atrides ? Dans votre livre La fabrique de la famille [1], j’ai été frappé par le passage où vous citez Victor Hugo : c’est ce que disait Lacan sur le côté « désir particularisé » et que ce n’est pas nécessairement le lien de sang qui fonde ce qui fait un parent. Qu’est-ce qui fait qu’il peut y avoir haine dans la famille aujourd’hui ?

Serge Hefez – Ce qui n’a pas changé depuis les Atrides, c’est que l’amour est infiltré de haine, est ambivalent. Ce qui a changé, c’est l’insécurité du lien. C’est-à-dire que la haine il fallait se la coltiner, il n’y avait pas le choix et la famille restait la famille. Par exemple, Folcoche dans Vipère au poing de Hervé Bazin, reste la mère de son gamin et elle le restera pour toujours jusqu’à sa mort. Aujourd’hui, est présente cette possibilité de rompre le lien : à commencer par les parents qui rompent leur lien à l’envie de tous les côtés, mais aussi pour les enfants, possibilité de choisir un foyer, de savoir qu’un père peut, à l’âge de 50 ans, faire des bébés dans un autre foyer, risquer de délaisser son foyer, ses enfants, et devenir un rival à un moment où son propre fils, par exemple, pourrait envisager une paternité.

Classiquement la haine ne menaçait pas le lien dans sa pérennité, c’est-à-dire qu’on pouvait tuer son père fantasmatiquement toute sa vie, et la lignée, la généalogie, la transmission restait intacte ; on demeurait membre de sa famille et son identité continuait à être celle d’être fils de, fille de. On pouvait se situer dans un arbre généalogique, sorte de colonne vertébrale pour chacun. Maintenant il y a une menace méconnue : la séparation, au sens de la rupture, engage le risque que le lien ne se rompe définitivement. C’est une grande insécurité. Comment se manifeste la haine ? Par beaucoup de ruptures et de retrouvailles. Les trajectoires des jeunes sont beaucoup plus variables, beaucoup plus complexes : un enfant peut commencer à vivre avec un couple parental, puis avec une mère seule parce que le père est parti – cas de figure possible – puis il expérimente un lien avec un beau-père qui peut être lien de soutien ou bien un lien non investi et très violent pour l’enfant. Il décide de quitter ce couple-là et de retrouver le père, peut-être avec une nouvelle femme ou avec un compagnon… Il y a dans les immeubles des boîtes aux lettres, avec quatre noms de famille par exemple : vivent sous le même toit trois ou quatre enfants qui n’ont pas forcément pas de lien de fraternité biologique. Il peut y avoir un demi-frère, un « faux frère », une « fausse sœur » de l’autre côté ; ces enfants sont pourtant élevés en tant que frères et sœurs, se considèrent comme des frères et sœurs mais ils n’ont pas les mêmes parents et encore moins les mêmes grands-parents. La famille a un côté tribu, mais plus soumise aux aléas des affinités électives. Ce peut être une richesse par rapport à la famille des Atrides où c’est l’impossibilité d’en sortir qui rend les choses étouffantes. Mais c’est aussi le risque de la liberté : trop de choix peut provoquer beaucoup d’incertitudes chez les jeunes.

Pipol12 – P. B. – Alors ce qu’on note dans la clinique – dont vous avez sans doute l’expérience –, c’est une dimension dépressive de la génération des 20-25 ans. Dimension dépressive sur fond de désir qui a du mal à se constituer dans leur existence. Est-ce que vous diriez que vous avez aussi cette expérience ?

Serge Hefez – Oui. La clinique des jeunes est de plus en plus une clinique des limites, une clinique des états limites, avec les transformations de la société, les transformations des moyens de communication, des rapports sociaux entre les jeunes, des réseaux sociaux, des écrans. Les parents adorent leurs enfants – ce n’est pas une question d’amour : les enfants sont même sur-aimés aujourd’hui –, et les enfants ne sont pas abandonnés, mais un peu laissés à leurs propres désirs : on leur donne moins d’indications. Fondamentalement, la manière dont on élève les jeunes aujourd’hui, c’est « deviens qui tu es », « choisis-toi toi-même » ; ça commence dès le bébé : « Tu dois trouver en toi les conditions de ton propre désir ». Il y a quelque chose de nietzschéen, dans cette vision de l’individu contemporain : un individu prométhéen, qui se libère autant que faire se peut des contraintes, des directives, des liens institués pour se créer lui-même.

Pipol12 – P. B. – cela fait beaucoup de déprimés.

Serge Hefez – Oui. Ehrenberg l’avait déjà pointé, cela fait une bonne vingtaine d’années ou plus, la dépression comme une fatigue d’être soi [2], c’est-à-dire d’avoir à se choisir et d’avoir à choisir toujours.

J’entendais récemment une jeune maman faire manger son enfant : « Tu veux de la viande ou du poisson mon chéri ? Tu veux des carottes ? Ou des pommes de terre ». Et à la fin, elle ouvre le réfrigérateur : « tu veux une compote de pommes ou une compote de poires ? » J’ai senti en moi un malaise. « Pourquoi cet enfant doit-il être sommé de choisir entre une compote de pommes et une compote de poire ? » N’est-ce pas plus tranquillisant et sécurisant de lui dire « Prends une compote de pommes » ? C’est une petite anecdote mais cela correspond à une génération de jeunes – qui est en fait déjà, je pense, la génération précédente. Pour la génération actuelle, je commence à être très inquiet par rapport à ce qui se joue autour des adolescents d’aujourd’hui, entre les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, les addictions aux écrans. Il y a cette fameuse série « Adolescence » – qui a provoqué un malaise général – qui me paraît très juste dans ce qu’elle montre. Ce sont des adolescents psychiquement modifiés, fruits d’un lâchage sur les réseaux sociaux, avec tout ce que cela peut transporter comme haine.

Pipol12 – P. B. – Oui, c’est hallucinant la haine sur les réseaux sociaux.

Serge Hefez – La haine y est débridée et il n’y a rien pour la rattraper. Ce qui pourrait la canaliser, c’est la force du lien émotionnel, du lien affectif, où l’ambivalence peut un peu se jouer. Mais les jeunes sont de moins en moins ensemble, de plus en plus séparés et confrontés à un monde virtuel dans lequel il n’y a pas de filet par rapport à l’expression de la haine. Dans cette série, ce gamin poignarde sa copine de classe alors que c’est un gamin tout beau, tout gentil, mignon avec des parents qui l’aiment. Le réalisateur arrive à nous faire comprendre qu’en fait ce gamin a basculé dans un autre univers par les réseaux sociaux et leur force d’emprise. Le fait de poignarder – 30 coups de couteau –, est dans une dimension tellement irréelle pour lui que lorsqu’il dit « mais c’est pas moi qui l’ai fait », on peut penser qu’il le croit vraiment. Comme le gamin de 5 ans que l’on prend la main dans le pot de confiture, et qui dit « non, non, je l’ai pas fait » parce qu’il est encore dans la pensée magique et dans le déni qui font que s’il dit que ce n’est pas lui, ça va s’effacer, ça n’aura pas existé.

« Comment s’expriment la haine et la violence dans la famille ? » Dans nombre de familles, que je rencontre, les ados tapent sur leurs parents, quand ils prennent leurs écrans : ils tapent vraiment, ils vont à la cuisine, sortent un couteau, et disent « tu me le rends… ». Ce sont des gamins bien élevés, avec des parents corrects, dans des familles comme il faut. Ces forces extrafamiliales deviennent extrêmement puissantes : les parents seuls ne peuvent pas s’en sortir. J’ai coprésidé, toute l’année dernière, une commission ministérielle sur le soutien à la parentalité. Pour aller à l’encontre des visions très sécuritaires – telles que donner des amendes aux parents défaillants, … – on a essayé de voir comment soutenir les parents. Car ils sont dépassés par la force de ces contre-pouvoirs que sont les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, les influenceurs, les fake news, les théories complotistes sur Internet. Car c’est là que les gamins apprennent – ce n’est plus à l’école. C’est compliqué de continuer à faire un travail parental un peu cadrant, d’exercer une autorité bienveillante vis-à-vis de ses enfants. Cela devient difficile.

Pipol12 – P. B. – Et dans votre expérience, comment cela se passe pour – si vous en avez rencontré – les familles issues de l’immigration où il y a vraiment des univers de valeurs qui sont extrêmement différents entre la religion parfois, ou des traditions, et ce monde de l’instantanéité des réseaux et du discours courant contemporain ?

Serge Hefez – Ce sont, me semble-t-il, des familles qui « trinquent » plus que les autres. Parce qu’il y a plusieurs chocs culturels. Il y a dans toute famille ce choc – qu’on pourrait appeler un choc culturel –, entre ce que sont les valeurs, les croyances, la vérité partagées à l’intérieur de la famille et tout ce qui est donné par ces contre-pouvoirs que sont devenus les liens et les réseaux virtuels. Donc c’est vrai pour chaque famille. Mais dans une famille issue de l’immigration, il y a encore d’autres valeurs que les parents pourraient vouloir défendre vis-à-vis de leurs enfants – par exemple ce que c’est qu’être un garçon ou une fille ou bien des valeurs plus traditionnelles, ou concernant l’autorité du père. Ce sont surtout les garçons qui ne s’en sortent pas bien. Parce que cette question des valeurs, ils n’y comprennent plus rien. Ils sont pris – c’est vrai pour tous les garçons peut-être – entre des valeurs très différentialistes par rapport aux caractéristiques garçons/filles, frères/sœurs, sur ce que doit être l’autorité des hommes dans la société, et des valeurs aujourd’hui profondément égalitaires entre les hommes et les femmes. Il faut que les enfants se débrouillent avec leurs parents, que les fils se débrouillent avec leur père. Cela peut créer des terrains plus conflictuels.

Pipol12 – P. B. – Une des modalités de la haine dans les familles, c’est quand un enfant devient un peu le bouc émissaire, ou en tout cas porte toutes les fautes. Cela existe depuis longtemps. Mais aujourd’hui diriez-vous qu’il y a une propension plus importante à ce que cela existe ou non ?

Serge Hefez – Non, à la limite plutôt moins. Si je me réfère à ma clinique d’il y a 30-35 ans, où les familles étaient plus stables, plus structurées, le phénomène du bouc émissaire – qu’on appelle patient désigné dans ma pratique –, était toujours là. C’est-à-dire que celui qui allait mal dans la famille – la jeune fille anorexique, le garçon qui passait à l’acte ou suicidaire… –, était aussi le témoin d’un malaise familial, de difficultés de séparations, d’interactions pathologiques à l’intérieur de la famille. Et la jeune fille anorexique à travers ses symptômes exprimait bien sûr son adolescence, son corps, sa sexualité,… Mais elle pouvait aussi exprimer un malaise familial plus global et faire la grève de la faim, par exemple pour être le bouc émissaire de cette haine inconsciente qui circulait à l’intérieur de la famille. C’est comme cela qu’on définissait la pratique de la thérapie familiale : qui est le patient désigné ? qu’exprime-t-il, à travers ses symptômes, d’une difficulté familiale, soit actuelle, soit qui se répercute à travers les générations, qui n’est pas métabolisée ?

Aujourd’hui ces phénomènes existent mais ils sont plus labiles. Avec toutes ces transformations de la famille, et même dans une famille non recomposée, on est davantage dans le régime du chacun pour soi, c’est à dire que la dimension groupale est plus mouvante, – ce n’est pas qu’elle n’existe plus –, mais elle est plus fluide, plus incertaine. Donc à un moment, c’est tel membre de la fratrie qui sera dans ce processus de désignation. Six mois plus tard, ce sera un autre. Ou c’est un des parents qui décompense ou une séparation parentale. Cette haine projetée par le groupe sur un de ses membres existe toujours, mais bouge plus entre les membres de la famille. Tandis que dans les familles d’autrefois, il y en a un qui était désigné, et ça durait, longtemps.

Pipol12 – P. B. – Et vous l’interprétez à partir de ce que vous avez dit précédemment ?

Serge Hefez – Oui. Il y a moins cette vision généalogique de la famille, avec cette idée que, structurante et étouffante, la famille est immortelle. La famille n’a pas disparu mais s’est horizontalisée : les processus verticaux sont très allégés dans ce qui pèse dans une famille au profit des processus horizontaux qui sont plus labiles, plus mouvants, plus incertains.

Pipol12 – P. B. C’est ce que vous disiez tout à l’heure. Que les liens étaient susceptibles plus facilement d’être rompus. C’est ce qui fait qu’effectivement la haine est plus diffuse.

Serge Hefez – C’est comme dans le couple. Tant qu’il était indéfectible – parce que le divorce n’existait pas, qu’on se mariait à 18 ans et que c’était pour la vie –, c’était un réservoir effectivement : la haine pouvait y circuler, s’y exprimer, être sentie ou pas. Mais ce n’était pas un danger puisque le couple tenait. Le danger, c’était peut-être un danger de violence. Enfin le meurtre dans les familles reste exceptionnel. Aujourd’hui l’expression de la haine porte en elle le germe de la rupture. Et je pense que cela n’a pas les mêmes effets.

Pipol12 – P. B. – Et dans votre pratique, avez-vous eu à traiter des passages à l’acte violent dans une famille ?

Serge Hefez – Des parricides, ou des matricides, j’en ai connu dans toute ma pratique de psychiatre : on est dans la psychose, la folie ; d’autres mécanismes se jouent. La haine ordinaire dans les familles se jouait autour des processus de maturation, de séparation. Tous les adolescents passaient par un moment de haine ordinaire vis-à-vis de leur père et de leur mère pour se séparer tranquillement et les retrouver une fois devenus plus grands. C’est encore très présent. Mais du fait de cette instabilité et de cette insécurité familiale, les passages à l’acte et les expressions de la haine sont sûrement plus fréquents : ces ados qui se tailladent les bras – attaque sur le corps –, qui avalent les médicaments de la pharmacie des parents, font des passages à l’acte à l’intérieur de la famille. Y en a-t-il beaucoup plus ? J’ai l’impression que ça s’exprime plus, plutôt dans l’auto-agressivité, chez les adolescents. Les tentatives de suicide, les automutilations, les phobies scolaires, ces types de comportement violent à l’égard de soi-même ont été multipliés par deux depuis le COVID.

Pipol12 – P. B. – Vous situez le COVID comme détonateur ?

Serge Hefez – Oui. Cela a déclenché quelque chose parce que pendant un an, les ados ne sont plus allés à l’école, ne se sont plus vus, n’ont plus fait de sport, ni de musique ; ils ont vécu en vase clos avec leurs parents, devant des écrans. Je ne dis pas que c’est à cause du COVID : il a été, je pense, une espèce de détonateur, déclencheur. La plupart s’en sont remis. Mais pour certains cela a vraiment fait une cassure.

Pipol12 – P. B. – Autre question par rapport au lieu où la haine est présente. Je n’ai jamais connu une haine politique comme en France en ce moment depuis 2 ans. Est-ce que vous le mesurez dans les familles ?

Serge Hefez – Cela se joue et se répercute dans les familles – et donc auprès des jeunes. L’angoisse est de plus en plus grande à propos du monde, que ce soit son avenir écologique, économique, ou que ce soit les guerres. Après soixante-dix ans sans guerre, cela éclate de tous les côtés. La stabilité du monde a été chamboulée ces derniers mois. On est dans une insécurité totale.

Pipol12 – P. B. – La menace effectivement extérieure se traduit-elle par des conflits intrafamiliaux sur des sujets politiques ?

Serge Hefez – Oui, parce que tout est devenu conflictuel. Dans les familles, ça se joue entre les parents et les enfants parce que le statut de la vérité est branlant. Pour un jeune, comment faire confiance à ce que lui disent ses parents – sachant que la crédibilité des adultes devient de plus en plus sujette à caution pour les jeunes –, et pour un parent comment faire confiance à ce que lui dit son enfant, sachant que les jeunes récoltent toute la journée des désinformations, sur ces outils et réseaux. Et les prises de position sont très tranchées et ne supportent pas la discussion, l’interprétation, la confrontation. Chacun reste campé dans sa vision du monde.

Pipol12 – Philippe Benichou – Qu’aimeriez-vous évoquer avant que l’on conclue ?

Serge Hefez – Je suis de plus en plus inquiet. On a une responsabilité par rapport à la génération qui vient. Les jeunes sont à la merci – c’est à dire de plus en plus formatés par une intelligence artificielle qui n’a plus rien à voir avec l’humain. La réalité elle-même semble perdre son socle. Il y a une responsabilité parentale mais on ne peut pas les laisser seuls : il faut remettre en place une éducation qui soit une éducation. Il y a besoin de les former à ce qu’est l’information. Comment faire la différence entre une vérité et une contre-vérité, une information et une désinformation ? Qu’est-ce qu’une relation ? Qu’est-ce que la confiance ? Qu’est-ce que le consentement ? Qu’est-ce que le lien social ?

Il y a vraiment quelque chose à faire pour que les adultes transmettent des valeurs et pas juste du savoir.


[1] Hefez S., La Fabrique de la famille, Paris, Kero, 2016.

[2] Ehrenberg A., La Fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 1998.

 

édition : Marie-Claude Lacroix

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