Un écho du séminaire « Clinique et Politique des Institutions »
Cette année, le séminaire « Clinique et Politique des Institutions » met à l’étude le thème de travail Familles et Institutions, en préparation au Congrès PIPOL 12. Dans ce cadre, Dominique Carpentier, directrice du CPCT-Parents de Rennes, est intervenue sous le titre « Ce qui fait, ou pas, famille [1] ».
« Ce qui fait famille reste un mode de jouissance que l’on voudrait partageable [2] ». C’est par cette phrase que D. Carpentier ouvre son exposé en situant la jouissance, et non pas un idéal, au cœur de l’affaire. Cela donne une orientation pour l’écoute au CPCT-Parents.
Jacques Lacan, dans son séminaire en 1980 définit le couple parental comme « Deux parlants qui ne parlent pas la même langue. […] Deux qui se conjurent pour la reproduction, mais d’un malentendu accompli [3] ». Faire famille est le cafouillage qui résulte de ce malentendu.
De nos jours, faire famille est devenu une vraie question faisant basculer le fonctionnement du système symbolique [4] – la famille constituée des embrouilles du couple parental et de leurs enfants – vers des marqueurs contemporains tels que le discours scientifique sur les dysfonctionnements neurologiques de l’enfant au lieu du malaise de vivre ensemble. Et ce, en bougeant le curseur du malentendu fondamental au sein de la famille vers la nécessité d’un ça marche, produisant l’effacement du ça rate.
D. Carpentier aborde l’horizontalité des relations qui depuis plus de vingt ans brouille la différence entre homme et femme, père et mère, parent et enfant créant un brouillard de mêmeté. Dans ce brouillard, la communauté de jouissance qui caractérisait la famille se défait et chacun veut jouir tout seul. « Alors les jouissances s’embrouillent et se cognent [5] », dit-elle. L’enfant, n’étant plus à la place de celui qui révèle le symptôme du couple parental, devient l’objet qui s’emmêle dans ces jouissances solitaires par son inadéquation et son dysfonctionnement. Plus les jouissances sont solitaires moins elles sont partageables.
Comment la psychanalyse répond-elle au cafouillage des jouissances qui se cognent ? Au CPCT-Parents, le signifiant parent a toute son importance : « un terme ouvert pour s’y glisser à sa guise [6] », nous indique D. Carpentier. Ce signifiant peut permettre au sujet de se loger dans la langue. Au cours du premier appel, le CPCT-Parents précise que seuls les parents seront reçus, pas les enfants. La mise en place du dispositif opère une séparation et accueille la parole. Cette offre surgit comme une adresse aux parents et produit un effet particulier d’identification au signifiant parent. Venir parler en tant que parent du ce qui ne va pas chez son enfant provoque une séparation du sujet avec sa propre jouissance.
« Notre travail s’articule principalement dans l’effort d’exiger le symptôme, [c’est-à-dire] d’apprécier la capacité d’un sujet à savoir faire avec la parole, dans le malentendu qui la caractérise [7] », commente D. Carpentier.
Proposer une voie pour la parole vers une invention permettant de supporter le cafouillage des jouissances permet de saisir l’orientation du CPCT-Parents, travail qui peut faire la différence vers un lien possible à condition de ménager une place à ce qui rate.
[1] Intervention prononcée au séminaire « Clinique et Politique des Institutions », le 6 février 2025 à l’ACF-Belgique.
[2] Carpentier D., « Ce qui fait, ou pas, famille », Intervention prononcée au séminaire « Clinique et Politique des Institutions », Familles et Institutions, 6 février 2025, inédit.
[3] Lacan J., « Dissolution », Aux confins du Séminaire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Navarin, 2021, p. 75.
[4] Brousse M.-H., « Un néologisme d’actualité : la parentalité », La Cause Freudienne, no 63, février 2005, p. 117-123.
[5] Carpentier D., « Ce qui fait, ou pas, famille », op. cit.
[6] Ibid.
[7] Ibid.