Famille/Institution, que recouvrent ces deux termes et cette conjonction qui les lie entre eux ? Comme le souligne Katty Langelez-Stevens dans l’argument de PIPOL 12, « la famille est la première institution humaine ». Elle n’est pas naturelle, mais une invention symbolique.
Première institution humaine, la famille constitue le point de départ de toutes les autres, et donc des institutions de soins. Dès lors l’institution est également fondée sur une invention qui répond au réel des sexes [1], et n’échappe ni aux transformations qui émanent de notre monde moderne ni à la nécessité de bricoler pour faire institution.
L’institution prolonge la famille. Elles fonctionnent selon les « lignes fondamentales de la structure inconsciente [2] ». C’est cette structure que nous suivons pour faire une place à la famille, à ce qui lui échappe et à ce qui la fonde : la jouissance que rien ne négative. Les enfants que nous accueillons présentent un symptôme qui déborde les familles, l’école et les institutions qui en ont la charge. En d’autres termes, ces enfants psychotiques ou autistes sont réfractaires à la voie normale, « celle du discours social ambiant [3] ». Par conséquent, sans délaisser la question de l’apprentissage, nous favorisons l’élaboration du savoir de l’enfant. Quelle que soit la structure d’un sujet, il y a un « savoir que Freud appelait l’inconscient [4] ». Ainsi, nous prenons au sérieux les élaborations de l’enfant pour traiter la pulsion par un travail « sur la lettre qui s’écrit et sépare [5] ».
Plutôt que refuser la famille ou lui opposer une identification horizontale, nous l’impliquons dans le travail de l’enfant. Il ne s’agit pas d’amener ses membres à une psychothérapie ou de les associer comme co-thérapeutes, mais de leur faire une place de sujets et de partenaires de leur enfant. Dès lors, pour rendre possible le travail de l’enfant, les parents sont inclus « dans le champ de la pratique à plusieurs [6] ». De quoi est-il question ? Sinon de penser une clinique où parents, enfants et intervenants travaillent dans une position d’exclusion interne qui les décomplètent les uns les autres. Le but essentiel est de donner à l’enfant une place de sujet – sujet de l’inconscient.
Dans la « Note sur l’enfant », Lacan indique que la marge de nos interventions est réduite lorsque « l’enfant réalise la présence de […] l’objet a dans le fantasme [7] ». Desserrer cette prise fantasmatique est délicat et difficile à réaliser. Cette opération nécessite de mesurer à chaque fois la place que l’enfant vient prendre dans l’économie familiale pour qu’une part de la jouissance cède. Comme Philippe Bouillot l’a souligné dernièrement, « ce n’est pas un savoir nouveau que nous avons à apporter, mais un lien nouveau [8] ».
[1] Cf. Deffieux J.-P., « Vers les journées 2006 », Lettre mensuelle, no 250, juillet/août 2006, p. 4.
[2] Di Ciaccia A., « Discussion », Préliminaire, no 12, 2000, p. 30.
[3] Di Ciaccia A., « Une institution et son atmosphère », Préliminaire, no 12, 2000, p. 23.
[4] Di Ciaccia A., « Discussion », op. cit., p. 29.
[5] Bosquin-Caroz P., « Le savoir, toujours inédit », in Roy D. et Zuliani É. (s/dir.), Le savoir de l’enfant, Paris, Navarin, 2013, p. 204.
[6] Antenne 110, « Pas sans les parents », Préliminaire, no 13, 2001, p. 27.
[7] Lacan J., « Note sur l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 373.
[8] Bouillot Ph., « Avec tout le tact analytique nécessaire », Atelier Clinique et Politique des Institutions, ACF-Belgique, 16 février 2015, inédit.