En Flandres, à partir des années soixante-dix, une attention croissante a été accordée au « travail d’inclure les familles dans l’accompagnement ». L’idée sous-jacente est que les problèmes psychosociaux individuels résultent de dysfonctionnements au sein de la famille. Ces dysfonctionnements doivent être mis en lumière au travers d’entretiens de couple et de famille, où chacun est invité à examiner et à ajuster sa place, son rôle et son style de communication. La finalité est d’ordre thérapeutique : établir des relations équilibrées et favoriser une bonne parentalité. À la suite de restrictions budgétaires qui émanent des pouvoirs publics, la famille a davantage été sollicitée ces dernières années, en tant que « partenaire de soins ». Dans ce mouvement de « désinstitutionalisation des soins », de nombreux lieux d’accueil résidentiels ont fermé, au profit d’accompagnements à domicile. Des directives actuelles telles que « réflexe famille » et « réflexe enfant » doivent sensibiliser les professionnels au bien-être des figures du réseau des patients.
En revanche, quelle orientation la psychanalyse offre-t-elle dans le travail clinique avec les parents et la famille ? La psychanalyse examine, dans le cadre d’une analyse ou d’un travail institutionnel, comment le lien familial se manifeste dans l’inconscient d’un sujet. Elle s’intéresse donc avant tout à la famille dont parle le sujet, et non à la famille en tant que réalité objective. Quelle place occupe-t-il dans le désir et le fantasme des parents, avec quelles implications sur l’affect et le mode de jouir ? Quelle est, pour un sujet donné, « sa » famille ? Il est également important de se garder de comprendre trop vite et d’apporter des solutions. Le fait familial n’est pas une question de biologie ou de norme sociale, rien n’est écrit à l’avance. Chaque famille doit donc être inventée ; chaque sujet a à trouver une formule propre, sa modalité d’être mère ou père, fils ou fille, frère ou sœur. En d’autres termes, la famille est un symptôme (nécessaire) et il y a autant de variantes symptomatiques qu’il y a de familles.
Des questions cruciales se posent. Le lien avec la famille est-il toujours une force dans le soi-disant « processus de guérison du patient » ? Ne connaissons-nous pas tous des situations dans lesquelles un sujet choisit explicitement et consciemment de prendre ses distances par rapport à un parent trop inquiet, exigeant, présent ou intrusif ? Ou d’autres où des enfants sont tellement attachés à la présence et à la voie de leurs parents, au point de ne pouvoir s’accomplir en tant que sujet ? Comment accueillons-nous les parents dont l’enfant est admis en institution ? Comment recevons-nous la demande d’une personne en difficulté d’impliquer son partenaire dans le traitement ? De quelle manière écouter la prise de parole d’un membre de la famille et comment répondre à ce qui y surgit ? À chaque fois, le clinicien aura à décider s’il emprunte la voie de la famille ou s’il soutient plutôt le mouvement qui éloigne le sujet de sa famille. Pas d’indicateur ici, seulement un calcul au plus près du singulier, fondé sur l’écoute attentive d’une prise de parole du sujet ou sur « ce qui se lit » au travers de ses actes.
[1] Argument du Séminaire Psychanalyse et Institution « Weg van de familie », 2024-2025, organisé par le Kring voor Psychoanalyse de la NLS.