La folie familiale, discordance se manifestant au sein de la sphère intrafamiliale parfois de façon bruyante, maltraitante, voire criminelle est souvent l’expression de la discordance privée qui se vit au cœur même du plus intime de l’être. Il y a une interaction entre la réalité sociale et la réalité psychique. Face à cette violence, les politiques publiques peuvent être saisies pour y mettre fin. En France, lorsque des faits signalent un danger pour un enfant, une décision de placement judiciaire peut être actée par la Loi de Protection de l’Enfance. Cette mesure met une limite, un point d’arrêt à la pulsion de maltraitance. Des objectifs d’accompagnement du mineur et de ses parents sont alors définis par le service de l’Aide Sociale à l’Enfance afin d’évaluer le possible retour du mineur dans sa famille.
Mais face à la folie familiale, force est de constater que la mise à l’abri d’un mineur n’est pas thérapeutique en soi. Les faits de dangerosité sont à interroger non pas seulement d’un point de vue éducatif ou médical, mais aussi d’un point de vue psychique. Ils sont à entendre comme étant l’expression psychique du parent maltraitant. Les faits constituent l’artifice par lequel le sujet peut dire, ou exprimer par le corps, le « dis-corps », sa vérité psychique. L’orientation psychanalytique permet de ne pas se laisser enfermer par les faits, aussi horribles soient-ils. Elle permet d’interroger les signifiants concernés par ces faits. Le sujet est-il en prise directe avec la pulsion ? L’expression de sa violence est-elle « la marque du refoulement qui n’a pas opéré[1] » ?
Comme l’indique J.-A. Miller dans son intervention prononcée lors de la quatrième Journée d’étude de l’Institut psychanalytique de l’Enfant, la violence est à entendre comme « la satisfaction de la pulsion de mort [2] », à la différence du symptôme qui est « “le substitut d’une satisfaction pulsionnelle qui n’a pas eu lieu” […] une satisfaction non advenue [3] ». Or, la violence peut parfois être bordée par la voie symptomatique. Offrir un espace de parole au sujet est un pari à tenter, afin de lui donner la possibilité de reconstituer son discours privé et d’en retrouver les vérités refoulées. L’ouverture au discours inconscient peut lui permettre de se brancher sur un savoir dont il ignorait être la cause. Avec l’appui du transfert, cette opération va prendre en compte les lois du langage comme levier pour trouer le réel. En le trouant, le langage permet au sujet de se constituer un savoir en place de vérité pour lui-même. Donner sa place dans le discours à cet inassimilable, c’est permettre à ce réel d’être circonscrit. C’est l’enjeu d’une clinique qui se fonde sur la prise en compte du symptôme. Celui-ci, dans sa face de jouissance, parle d’une façon silencieuse. Il s’agit de lui donner la parole et de l’écouter. Par son (dé)chiffrage, le sujet pourra en édifier un savoir nouveau sur son lien à l’Autre.
[1] Miller J.-A., « Enfants violents », Enfants violents, Paris, Navarin, 2019, p. 23.
[2] Miller J.-A., Ibid., p. 24.
[3] Miller J.-A., Ibid., p. 21.