Depuis l’argument de PIPOL 12 : « La famille n’est plus, tout comme la figure du père, la même. [1] » Chose curieuse, on ne fait jamais état de la figure de la mère, alors que c’est elle qui inculque la langue aux enfants [2] – même aux singes et aux ordinateurs –, et qui attribue à un homme le statut du père [3] – que l’on ne doute jamais de qui est la mère en est la preuve. Bref, c’est elle qui choisit celui qui deviendra son époux et le père de ses enfants.
« Elles font amie-amie avec une amie jusqu’à ce qu’elles aient arraché un gars à son régiment. [4] » « Une femme ne se trompe jamais. Pas dans le mariage, en tout cas. C’est en quoi la fonction de l’épouse n’a rien d’humain. [5] » Elle n’a rien d’humain, parce que ce qui demeure énigmatique est sa jouissance, même quand elle s’acharne à rester avec celui qui la frappe, qui la néglige elle-même et leurs enfants. Sa jouissance est, si je puis dire, malaisante, ça fait malaise, non seulement dans la famille, mais j’ose dire, dans la civilisation. J’avance donc le terme femmille, analogue au néologisme mèrefemme de Jacques-Alain Miller [6]. La figure de la femme est prédominante dans la femmille. « C’est parce que les femmes font des hommes, que les hommes peuvent ensuite leur rendre ce service essentiel de leur permettre de poursuivre leur fonction de procréation. Mais cela suppose, bien entendu, que nous le considérions dans l’ordre symbolique. [7] » Dès que la femme parle, elle est prise dans et par le langage, cependant pas toute.
Pour cela, dans le mathème de la métaphore paternelle, le Nom-De-Mère s’exclut, on ne formalise que son désir – qui occupe quand-même la place du numérateur et du dénominateur. Y-a-t-il alors une modification, au cours des siècles, de la figure de la femme ? Lacan est affirmatif : dans l’antiquité, elles avaient non seulement leur vraie place, mais aussi un poids dans les relations d’amour, et c’est en cela que consiste la différence entre la femme antique et la femme moderne, « la femme antique exigeait son dû [8] ». Ce n’est pas pour rien que l’on dit « cherchez la femme », ou « derrière un grand homme se cache une femme ». Elle est la croupière du jeu. Or, ce qui ne subit aucune transformation est sa jouissance, et ça se reflète sur les hommes. Jadis, leurs époux étaient des maîtres, une femme était mariée à un Thémistocle. De nos jours, à qui ? À Macron ! De qui pourrait-elle maintenant exiger son dû ? Pourquoi la femme contemporaine, depuis quelque temps, miniaturise l’homme ? À son insu, elle a canalisé sa jouissance autrement. À quel prix ! Elle paye son propre dû. Les tests ADN de maternité sont là ! C’est ce que J.-A. Miller a évoqué au Congrès PIPOL 11 à propos de la vaporisation de la mère. Quelle sera la place du psychanalyste, sinon à distiller les signifiants que lui procure cette vaporisation ?
[1] Langelez-Stevens K., « Malaise dans la famille », argument disponible sur le site du Congrès Pipol 12.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XXI, « Les non-dupes errent », leçon du 19 mars 1974, inédit.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2006, p. 174.
[4] Lacan J., Je parle aux murs, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 84.
[5] Lacan J., Le Séminaire, livre XXI, « Les non-dupes errent », leçon du 13 novembre 1973, inédit.
[6] Miller J.-A., « Mèrefemme », La Cause du désir, no 89, mars 2015, p. 115-122.
[7] Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La Relation d’objet, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1994, p. 398.
[8] Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le Transfert, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p. 44.
