« Il vaut mieux une parentalité choisie que subie [1] »
J’ai choisi de partir d’un extrait de l’argument de Katty Langelez-Stevens traitant de l’angoisse : « L’angoisse est, aujourd’hui, le symptôme prévalent dans ce qui se rapporte à la famille. Elle supplante largement les symptômes corporels et la culpabilité. Elle amène un certain nombre de sujets à décider de ne pas fonder une famille, se sentant impuissants face à l’avenir. Ils ne savent pas où trouver l’appui pour les défis que notre société doit affronter pour tenter de réguler ce que la jouissance des humains ne cesse de produire comme déchets envahissants et déclenchements de guerres. [2] »
Il me semble que le phénomène de la « coparentalité », cherché par certains sujets dans notre contemporanéité, pourrait bien répondre à cela. Jadis, la coparentalité était, après une séparation ou un divorce, le droit des parents à continuer à élever leur enfant, de manière égale et univoque au niveau de la loi. Depuis la Convention internationale des droits de l’enfant (1989), le concept de coparentalité donne les mêmes droits à l’enfant issu de ce couple : droit de conserver une relation équilibrée avec ses deux parents.
Maintenant la « coparentalité 2.0 » répond à une temporalité inversée : avoir un enfant, sans le risque de passer par une séparation ou un divorce. Les adeptes de cette pratique pensent ainsi déjouer le trauma – en le devançant. Pour cela, ils ne veulent pas avoir de lien avec l’autre parent géniteur, ni sexuel, ni romantique, ni marital. Donc, surtout pas de famille à constituer. À chacun sa liberté et son célibat. La seule chose qui les unirait serait l’existence de l’enfant : enfant-objet, acquis et presque acheté au supermarché de l’offre internet des sites de rencontre dédiés à cela. Cela répond, pour beaucoup d’entre eux, au souhait d’avoir un enfant, de l’élever sans passer par le risque de vivre en couple avec ses multiples tracas et traumatismes. C’est la guerre des sexes à éviter. Ces dits « géniteurs » feraient-ils valoir, dans un réel implacable, l’aphorisme de Lacan : « il n’y a pas de rapport sexuel » ?
La plupart pratique une insémination dite artisanale. Cette PMA [3] artisanale est strictement interdite. Elle s’effectue sans assistance médicale, avec recueil du sperme frais du donneur, injecté, par eux-mêmes, dans le vagin, à l’aide d’une pipette ou d’une seringue. Selon le Code de la santé publique français, cette pratique est passible de 30.000 euros d’amende et de deux ans de prison. Pour beaucoup, une PMA est complexe et onéreuse. D’autres n’y ont tout simplement pas droit.
Ceci concorde avec des nouvelles places prises par les hommes et les femmes dans la société, où leur désir, voire leur jouissance, solitaire et égoïste, prime avant tout. Il y a pour l’enfant, un glissement : de la sacralisation à sa pure production. L’enfant devient plus-value sans garantie à lui offrir. Le pouvoir des sexes s’érige contre le pouvoir social. Cette pratique soulève la disparition des fonctions types.
[1] Petillault V., « Parents à tout prix : la jungle des sites de coparentalité », Le Figaro, 21 octobre 2019, disponible sur internet.
[2] Langelez-Stevens K., « Malaise dans la famille », argument de PIPOL 12, disponible sur le blog.
[3] Procréation Médicalement Assistée